Bendik Kaltenborn vous veut du bien

Les libraires parisiens n'ont rien à envier à leurs homologues londoniens, new yorkais ou berlinois... bien au contraire. Qu'il s'agisse du Monte-en-l'air, d'Aaapoum Bapoum ou du Pied de biche, ces librairies étonnent par leur originalité, par l'humeur de leurs libraires tantôt assassine tantôt bienveillante mais toujours à la hauteur des attentes du lecteur. La soirée de lancement de Bendik Kaltenborn vous veut du bien  publié aux éditions Atrabile a eut lieu au Pied de Biche fin octobre 2012, mais l'oeuvre de l'artiste norvégien m'a été conseillé au Monte-en-l'air lors du lancement du licencieux I love Alice de Nine Antico publié aux Requins Marteaux dans la collection au nom explicite BD Cul (Une collection des requins marteaux qui regroupe le sublime et explicitement poétique Comtesse d'Aude Picault, la satire sociale aux formes généreuses Les melons de la colère de Bastien Vivès mais aussi le très remarqué Teddy Beat de Morgan Navarro primé lors de la 39ème édition du Festival International de la Bande Dessinée).

L'année est ponctuée de différents évènements liés à l'univers de la bande dessinée, les expositions et les festivals fusent mais la production du marché reste abusivement dense et même si, pour l'amateur éclairé il n'est pas difficile de se frayer un chemin, il n'en demeure pas moins que les conseils des libraires sont toujours à privilégier, confirmant les préférences ou les élargissant à de nouveaux auteurs et à de nouvelles sensibilités. Ainsi et dans l'attente de la sélection officielle de la 40ème édition du Festival International de la Bande Dessinée ces orientations restent essentielles afin de renouveler ses lectures et de se décrasser les yeux. L'actualité le prouve avec Bendik Kaltenborn qui frappe par son aptitude à renouveler notre regard sur le 9ème Art, constatant une nouvelle fois, ahuris, combien ce média est riche de possibilités.







Les dessins aux couleurs contrastées et aguicheuses de l'auteur norvégien contrastent avec son regard reptilien, véritable révolver pointé dans le dos du lecteur. Surprenant, ludique, il exprime dans une série chaotique d'histoires courtes les angoisses et l'absurdité de son univers, de notre monde. S'acharnant sur des personnages crispés, perturbés comme s'ils avaient en permanence une épée de damoclès au dessus du crâne. La belle bibliothèque de Bendik devient ainsi un exutoire paradoxal, en ce sens où l'auteur semble en dessinant débarrasser son esprit de personnages envahissants et angoissés, l'inconvénient appréciable est que ces personnages aux histoires inachevées viennent désormais encombrer l'esprit du lecteur. Offerts à son imagination, ils transmettent un sentiment d'inachevé induit par l'attente permanente que suggère leur angoisse. 





La couverture d'ailleurs laisse présager de ce sentiment de "fin ininterrompue". Bendik Kaltenborn serier som vil deg vel est ainsi un ouvrage saisissant par sa qualité et dont le concept, s'il y en a un, consiste en la mise en place d'une césure volontaire. Un moyen machiavélique de poursuivre le récit dans les méandres de l'esprit du lecteur. Avant même de feuilleter le livre, cette césure pousse le lecteur à examiner la couverture, à faire le tour de l'ouvrage, un puit sans fond qui se lit patiemment et dans le désordre et dont l'unique continuité réside dans la force évocatrice de l'auteur et de son bestiaire attachant et phobique mêlant loups, serpents et autres entités fantomatiques.  Le catalogue des éditions Atrabile s'enrichi ainsi d'un nouvel auteur qui s'ajoute à une liste impressionnante,  (Manuele Fior, Frederik Peeters, Aurélie William Levaux mais aussi Karine Bernadou¹) une liste longue et dont les ouvrages sont déjà de véritables références. 










¹Littérature Graphique prépare un article sur son étrange Canopée.


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