Le Chat du Rabbin est l’oeuvre phare de Joann Sfar, adaptée au cinéma la bande dessinée se métamorphose en film d’animation, un film co-réalisé avec Antoine Delesvaux et qui sort en salle ce 1er juin et qui a demandé aux différentes équipes plus de quatre années de travail. Le film est fidèle aux cinq histoires du Chat du Rabbin, et réussi à parler de religion, d'identité et d'humanité avec un regard critique mais toujours libre et respectueux.
Littérature Graphique a voulu s'intéresser au quatrième livre des histoires du Chat du Rabbin Le Paradis Terrestre qui est très certainement celui où Joann Sfar séduit le plus le lecteur par son talent graphique et narratif. Or ce Chat est apparu pour la première fois en 2002. Félin amoureux, il réussi dès les premières planches de La Bar-Mitsva à nous faire découvrir son univers, son maître qu'il ne dérange pas quand il lit, non, il s'assoit juste sur ses livres... Sa maîtresse, la fille du Rabbin Zlabya qui "dit que si les chats pouvaient parler, ils raconteraient des choses incroyables, elle dit aussi que si le perroquet pouvait se taire de temps en temps, ça nous ferait des vacances. Les richesses du monde devraient être mieux réparties dit-elle. Cet oiseau parle sans cesse, qui n'a rien à raconter. Et ce chat qui passe ses nuits sur les toits reste toujours coi. Le Rabbin lui répond que c'est mieux comme ça." Mais l'histoire en décide autrement et le Chat est un félin espiègle, excédé par les bavardages du perroquet, il le dévore... et acquiert la parole ! L'intrigue est posée.
Amoureux de sa maîtresse, possessif, le Chat apprend à lire, il parle, il est prêt à faire sa Bar-Mitsva pour elle. L'histoire est merveilleuse alternativement tendre, triste parfois tragique, toujours hédoniste.
Les pensées de Joann Sfar s'écrivent dans ses dessins et ses mots... Joann Sfar se raconte au travers d'un rêve que fait le chat dans un sommeil troublé, il cherche éperdument sa maîtresse pour se blottir dans ses bras mais il ne la retrouve pas. Un chat à qui l'on ment, un chat à qui l'on dit que Zlabya est en voyage... Il l'attend... Alors qu'en réalité, son rêve est un cauchemar et Zlabya est morte, il se réveille enfin et fou d'elle la retrouve. Joann Sfar exorcise ses souffrances, ses souvenirs, Joann Sfar a perdu sa mère à l'âge de deux ans et on lui menti, on lui a dit qu'elle a voyagé... Joann Sfar se raconte au travers d'une Alger de l'avant guerre, de la période coloniale où les cafés étaient interdits aux juifs, aux arabes et aux chiens. Une Alger que l'auteur n'a jamais connu mais qui devait malgré ses contrastes et ses ségrégations être une terre rêvée que chérissaient paradoxalement ses habitants.
On ne peut s'empêcher de penser à Albert Camus et à tous ces êtres ambivalents, riches d'une identité à plusieurs visages. Le regard parfois sarcastique, toujours critique du Chat est là pour nous rappeler que l'on ne peut aimer l'autre sans avoir la liberté de le critiquer, que le vivre ensemble implique un échange emprunt de curiosité et de franchise. Une franchise que l'on retrouve notamment dans le cinquième livre, Jérusalem d'Afrique qui a été passionnant à la lecture qui semble retranscrit fidèlement dans le film d'animation, critiquer ce cinquième livre dans sa narration est une chose que Joann Sfar apprécierait... Mais revenons au Paradis Terrestre...
Les pensées de Joann Sfar s'écrivent dans ses dessins et ses mots... Joann Sfar se raconte au travers d'un rêve que fait le chat dans un sommeil troublé, il cherche éperdument sa maîtresse pour se blottir dans ses bras mais il ne la retrouve pas. Un chat à qui l'on ment, un chat à qui l'on dit que Zlabya est en voyage... Il l'attend... Alors qu'en réalité, son rêve est un cauchemar et Zlabya est morte, il se réveille enfin et fou d'elle la retrouve. Joann Sfar exorcise ses souffrances, ses souvenirs, Joann Sfar a perdu sa mère à l'âge de deux ans et on lui menti, on lui a dit qu'elle a voyagé... Joann Sfar se raconte au travers d'une Alger de l'avant guerre, de la période coloniale où les cafés étaient interdits aux juifs, aux arabes et aux chiens. Une Alger que l'auteur n'a jamais connu mais qui devait malgré ses contrastes et ses ségrégations être une terre rêvée que chérissaient paradoxalement ses habitants.
On ne peut s'empêcher de penser à Albert Camus et à tous ces êtres ambivalents, riches d'une identité à plusieurs visages. Le regard parfois sarcastique, toujours critique du Chat est là pour nous rappeler que l'on ne peut aimer l'autre sans avoir la liberté de le critiquer, que le vivre ensemble implique un échange emprunt de curiosité et de franchise. Une franchise que l'on retrouve notamment dans le cinquième livre, Jérusalem d'Afrique qui a été passionnant à la lecture qui semble retranscrit fidèlement dans le film d'animation, critiquer ce cinquième livre dans sa narration est une chose que Joann Sfar apprécierait... Mais revenons au Paradis Terrestre...
Dans cette histoire, le Malka des Lions est un personnage charismatique, une légende, c'est le cousin du Rabbin Sfar, itinérant, il raconte de villages en villages ses histoires accompagné de son Lion. Le Paradis Terrestre libère la parole, c'est une étrangeté nouvelle, plus subtile que Jerusalem d'Afrique. Joann Sfar y expérimente par des digressions, des mises en abîmes passionnantes, l'art de raconter. L'histoire est magnifique, le personnage du Malka est profond, il créé par sa seule présence une mélancolie jubilatoire. Le Chat est dans cette histoire pour la première fois spectateur, il assiste à cette histoire là où avant il la vivait pleinement. Il est loin de Zlabya, il accompagne le Malka et son lion dans le désert.
Le Chat est confronté à la déchéance du Malka, à ses inquiétudes. A la lâcheté attendrissante du Lion qui souhaite disparaître avant son maître pour ne pas assister à sa chute. Le choix des thèmes de Joann Sfar nous montre son envie de nous confronter à une réflexion. Il nous place dans un contexte, celui de la vie. Ce contexte nous pousse à réfléchir à notre propre vision du monde, des rapports humains, à nos propres désirs dans la vie. Cela n'est possible que grâce à l'humanité des personnages et à leur intransigeance. Le Chat est dans le désert, il n'est pas sur ses toits, il n'est plus dans la ville, dans les bras de la femme qu'il aime. Le Chat est confronté à la réalité du monde, il assiste au spectacle que lui offre la vie. Il est curieux, pose une multitude de questions et se retire parfois dans ses silences. Il se trompe.
Sa rencontre avec ce serpent qui piste le Malka pour mieux trouver des oasis est étrange. Elle relève même de l'ordre de l'ésotérisme. Pour preuve cette lumière qui entoure leur discussion en pleine nuit. Troublé le Chat ne comprends pas... Le serpent s'endort, mais le chat lui reste éveillé... Cette rencontre avec l'étrange, avec ce qui fait peur, avec la mort est fascinante. Le Chat est soudainement plus silencieux, il semble inquiet. Il n'hésitera pas à se révolter face à cette condition humaine, à cette déchéance, il n'hésitera pas à menacer le serpent, à lui dire qu'un ami ça ne tue pas, ça rassure, pour l'heure ce chat est pourtant songeur. Le Paradis Terrestre ne s'atteint que lorsque l'on prend conscience de sa propre mort. L'absurdité et l'étrangeté d'une "morsure" qui serait un cadeau pour ce jeune chat commence à devenir un terrible constat de notre fragilité et de l'éphémère instant que dure notre vie. Cette compréhension lors de ce périple dans le désert se digère. Le chat s'endort, il réfléchit, le chat prend conscience de tout cela mais ne se résigne pas. Il ressort grandi de cette épreuve.
Le Chat du Rabbin sait très bien qu'il n'y a qu'un seul paradis celui de l'instant, du moment présent. Le Malka des lions le sait aussi, il savoure cette existence et malgré ses doutes retrouve la seule vérité qu'il connaisse en ce monde... car "il n'est l'homme que d'une seule femme."
Le lion le rappelle au Chat, ils sont tous deux spectateurs des doutes de cet homme mais aussi de ce qui le construit, ce qui forge son humanité. L'histoire est encore plus passionnante que tous les commentaires de cet article, pleine de rebondissements, elle ne demande qu'à être découverte...
Le Chat après cette traversée du désert, bercé par les histoires du Malka retrouve celle qu'il aime... Impatient d'aimer il l'a toujours été... mais les épreuves qu'il a traversé lui murmurent de l'aimer encore un peu plus, toujours plus...
Il l'aime et elle le sait... Alors qu'attend-elle pour le prendre dans ses bras... Pourquoi lui tourne-t-elle le dos ? N'est-il pas le seul qui la comprenne dans ses ambitions ? Elle l'aime et il le sait... Et chacun de ses gestes, chacune de ses impatiences n'est là que pour mieux la séduire, elle lui a manqué... il l'aime.
Je trouve les articles tres bien ecrits.
RépondreSupprimerJ'apprecie le style et les critiques.
L'analyse des BDs, quoiqu'un peu longue parfois, offre toujours une fraiche perspective sur l'histoire, le dessin et le neuvieme art en general.
Je ne commente pas aussi souvent que je devrais, mais je ne rate aucun article.
On voit trop souvent des blogs qui se soucient tellement du nombre de visiteurs que la qualite de leurs publications en souffre les consequences.
Je respecte l'equipe de litterature graphique pour avoir maintenu un blog aussi riche en contenu.
Merci.