Élégie en Rouge

Exprimer ses sentiments par le corps, par les silences. Sans mots, sans paroles... sans ces maladresses qui déchirent le couple dans le décalage permanent qu'elles ont avec nos pensées. Élégie en rouge, une bichromie poétique, celle d'Ichiro et de Sachiko qui dans un Japon en mal d'être, troublé par la répression des mouvements étudiants, vivent leur passion comme ils le peuvent, communiquant leur amour, leur désir, leur frustration, parfois en se blessant mutuellement, en se faisant des reproches infondés, effrayés qu'ils sont par un avenir auquel ils ne veulent pas penser, auquel ils ne doivent pas penser. Ces blessures cicatrisent aussitôt dans la contemplation de l'instant, dans cette jeunesse qu'ils vivent et qui permet un envol, un éveil, au delà des barreaux dans lesquels étaient enfermés leurs parents. La liberté provoque cette apparente fragilité, elle est une menace qu'il faut apprivoiser et, avec simplicité, aimer. 


Seiichi Hayashi exprime avec douceur et mélancolie une jeunesse qui se cherche, et qui, dans le tumulte de l'histoire tente de vivre une liberté nouvellement acquise. Ce couple universel exprime cette hâte, cette impatience de s'aimer au delà des normes sociales et de la résignation collective. Rééditer à plusieurs reprises au Japon, cette oeuvre touchante et troublante par sa justesse a été enfin traduite et publiée en France par les éditions Cornélius en 2010. Les éditions Cornélius qui démontrent une nouvelle fois leur apport au 9ème Art par leurs choix et la qualité de leurs ouvrages.

A l'horizon, des vagues, brumeuses, parfois noires dans leur fureur, sombres, elles s'approchent inlassablement des côtes... Et pourtant...

Pourtant... ces vagues... elles offrent au regard des perles, scintillantes dans leurs écumes mornes. Pourtant ces vagues... elles brillent. Cet océan immuable est celui des sentiments, il est là en nous, dans l'union des êtres. Ce flot permanent d'émotions, cet inlassable désir de vivre, il est là, il est bien là malgré tous nos tourments. 

Cette émotion, elle brille dans le chaos de la rencontre. L'auteur efface les visages de ses personnages, ils ne deviennent que des traits et des regards dans cette élégie pourpre. Des regards qui se cherchent perpétuellement. Ils ne sont que des présences, des concepts, ils n'existent que par leurs sentiments, par leur union. 


Seule, elle était seule, cette ivresse dans les bras d'Ichiro, Sachiko la ressent car elle a dépassé un état où elle n'était pas complète... Rouge, la couleur passionnelle se retrouve dans les vêtements du couple, l'un complète l'autre, le corps de l'un est une vague pour l'autre. Les teintes de rouge, le haut, le bas, forment un troisième corps, celui de l'être complet, qui dans cette étreinte, enfin, enfin... n'est plus seul. 


La lumière s'éteint, les corps s'effacent, une vapeur demeure, elle est d'un rouge clair, un rouge tendre, un rouge chair. "Click", la lumière s'éteint... rouge elle demeure. 


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