Une locomotive fumante trace son sillon dans le ciel. Les wagons se succèdent. Les passagers du Galaxy Express touchent les étoiles, aériens, ils embarquent et se laissent portés. Tetsuro, lui, est retenu au sol, cloué à une réalité macabre : le meurtre de sa mère. Il assiste impuissant à sa mise à mort par un androïde et décide de laisser derrière lui son passé afin de découvrir la vérité sur ce crime. En partance pour la Constellation d'Andromède, une jeune femme, Maetel l'invite à bord. Enigmatique, féline, elle sera pour Tetsuro un abysse insondable et pourtant tellement fécond, l'accompagnant à chaque escale dans des univers étranges et déroutants. De planètes en planètes Leiji Matsumoto nous livre une oeuvre profonde, une oeuvre où il questionne le monde, les sentiments humains, la vie. Ses planches alternent des contrastes d'une rare intensité où les lignes élancées de Maetel se mêle au corps angoissé de Tetsuro.
Leiji Matsumoto, auteur prolifique d'Albator est l'un des invités de marque de la 40ème édition du Festival International de la Bande Dessinée qui se tient comme chaque hiver à Angoulême. Né le 25 janvier 1938 à Kurumé sur l'île de Kyûshu, il est l'un des trois maîtres de la bande dessinée japonaise. Marqué par le travail du Dieu du Manga, Osamu Tezuka, il fut surtout imprégné par la vocation de son père, officier dans l'armée de l'air impérial. Dès lors son oeuvre se joue de la gravité et l'auteur, qui dès son quinzaine anniversaire imagine le capitaine Harlock (Albator), s'intéressera au départ au Shojo (Manga destiné à un jeune public féminin), il offrira par la suite au monde entier une oeuvre atypique et universelle. Et, ce n'est pas un hasard si Blutch lui dédie une planche d'une rare poésie, douce et amer, ne quittant plus son poste de télévision devant l'intégrale d'Albator.
Les escales se succèdent, une myriade d'expériences pour Tetsuro, qui découvre au delà des mystères de l'univers les tréfonds de la nature humaine. Initiatique, l'oeuvre de Matsumoto l'est assurément, l'univers est vaste mais, déterminé, le héros se cherche, avance et persévère. Matsumoto a déclaré d'ailleurs lors de la rencontre internationale qui lui a été dédié que "Chacun suit sa voie. Le message que je veux envoyer, c'est essayer d'avancer avec détermination en croyant à son étoile. Avec le temps, votre rêve ne sera jamais trahi, il finira par se réaliser." répondant aux questions de Julien Bastide qui a très justement rappelé le passé douloureux de la guerre et son omniprésence dans l'oeuvre du Sensei. Une guerre qui n'épargne personne, le père de l'auteur en a été profondément marqué et ce n'est pas un hasard si l'oeuvre de Leiji Matsumoto offre une oeuvre profondément humaniste.
Alternant les contrastes, affirmant la complémentarité de ses personnages dans ce qui les différencie, Leiji Matsumoto est un peintre du silence: l'atmosphère de ses oeuvres, contemplative et hypnotique laisse l'esprit libéré, songeur, absorbé qu'il est par le talent de l'auteur. Et ce n'est pas un hasard si cette 40ème édition est placé sous le signe de l'auteur japonais, une édition qui une nouvelle fois confirme le talent du directeur artistique du Festival, Benoît Mouchart, qui par son regard avisé et sa justesse permet de découvrir et de redécouvrir la richesse et la grande diversité de la bande dessinée. Le public a d'ailleurs été profondément touché par Kim Dong-hwa, auteur coréen de Manhwa, du magnifique Histoire couleur terre, qui a rendu un vibrant hommage à Leiji Matsumoto lors de la cérémonie d'ouverture du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême. Un hommage émouvant, communicatif puisqu'il eut une résonance toute particulière, celle d'un lien universel, celui de la création qui transcende les frontières. Universel, le dessin permet cet échange, le 9ème Art au coeur du festival qui lui est consacré permet de le vivre.