Publié en 2008 aux éditions ego comme x, et réédité par les Requins Marteaux depuis 2011, le goût du paradis de Nine Antico est le premier ouvrage d'une artiste qui par la franchise de son trait et de son texte réussi à saisir le lecteur, à le clouer face à ses planches avec en permanence cette sensation d'être conquis sans artifices. Un lecteur qui avait oublié la saveur de quelque chose d'authentique. Puisque toutes les éloges alors mêmes qu'elles seraient pleinement fondées ne sauraient émouvoir Nine Antico, qui projette sans fioritures, sur le papier, une vérité étrangement saisissante.
Sélectionnée à de nombreuses reprises au Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême, en 2009 pour le goût du paradis, en 2011 à deux reprises pour Girls Don't Cry et le troublant si ce n'est magistral Coney Island Baby. Sélectionnée mais non récompensée l'auteur a pourtant marqué les esprits par son talent et la puissance de ses textes dessinés, de ses dessins écrits. Elle a surtout été une des rares auteurs à être présente dans la sélection officielle pour des livres publiés par deux éditeurs différents, ce qui, il faut l'admettre est en soi une réussite et vient confirmer l'aura d'une auteur qui a su être présente et se montrer indispensable au renouveau du 9ème Art . On pense au fanzine Rock This Way et plus récemment à l'exposition TEEN SPIRIT qui vient de se clore à l'espace beaurepaire dans le 10ème arrondissement à Paris. Dans le goût du paradis, des amours adolescentes il en est question, et en amour les pensées débordent comme les espoirs et les craintes, elles envahissent notre quotidien et crée une seconde réalité. Ces pensées sont une part de l'instant et elles se vivent autant que les évènements du quotidien dont elles font partie.
Le contour de ses cases flottent, s'épaissi et s'allège au fil des planches. La noirceur du trait s'affirme dans certaines cases, les visages des personnages s'effacent, réapparaissent comme pour parler au lecteur, lui dire quelque chose qu'il ignore, quelque chose de direct sans compromis. Des fantasmes inavoués, une crainte mais surtout des désirs inavouables... Une honte permanente qui a une certaine saveur. Cette honte d'être soi est une quête d'identité constante qui forge les souvenirs, impressions imperceptibles sur l'instant et qui encombrent notre inconscient. Une honte qui a de cela de fascinant qu'elle permet de cracher des méchancetés, des regards tendres et cruels. Malgré la pudeur, malgré nos principes.
Il ne s'agit pas de sombrer dans le pathos de l'autobiographie mais de se raconter soi même dans une autocritique peut être constructive mais assurément salvatrice. Cette histoire fixe les souvenirs, elle fixe les rancoeurs pour mieux les apprivoiser... cette histoire a un goût, et ce n'est pas pour rien que c'est celui du paradis.
Son regard est mouvement, il permet la séquence, ses yeux, de l'encre sur papier, de l'encre qui se déplace et raconte en saccade une partition pleine de vie.
Son regard est mouvement, il permet la séquence, ses yeux, de l'encre sur papier, de l'encre qui se déplace et raconte en saccade une partition pleine de vie.
Le talent de Nine Antico ne réside pas uniquement dans ce retour sur soi et dans cette facilité à transmettre dans cet ouvrage ses souvenirs... Non, son talent réside dans sa manière de pousser le lecteur, de nous pousser dans nos propres souvenirs et dans nos désirs passés, dans notre histoire qui, douce ou amère, gardera avec insolence le goût du paradis.
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